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Afin de mieux comprendre les concepts mis en oeuvre par Charles Fauvel, et pour tenter de "démystifier" les caractéristiques de ce type d'aile volante, il semble nécessaire d'étudier quelques principes d'aérodynamique. Dans ce qui suit, vous trouverez résumées quelques théories qui permettent de mieux comprendre la genèse de ces machines. Il n'est pas fait appel à des formules ou à des démonstrations complexes, le but étant de présenter l'information sous une forme accessible au plus grand nombre. Les planeurs modernes sont des machines extraordinairement efficaces d'un point de vue aérodynamique. Pour en tirer la quintessence, les aérodynamiciens ont développé des trésors d'ingéniosité. Une machine volante, qu'il s'agisse d'un avion gros porteur ou d'un planeur, est caractérisée par sa portance, c'est à dire la force qui la tire vers le haut, et sa trainée, qui est le prix à payer pour avoir dérangé la masse d'air. Pour qu'un avion ou un planeur soit le plus performant possible, on cherche à maximiser la portance (nommée Cz, ou Cl chez les anglophones), et à minimiser la trainée (Cx, ou Cd pour les anglophones), bref à maximiser le rapport Cz/Cx. Ce rapport caractérise la finesse de la machine. Pour maximiser ce rapport, on s'emploie d'abord à utiliser des profils d'aile performants. Le profil, c'est la forme que l'on obtient en sciant l'aile perpendiculairement au sens de déplacement de l'aéronef (il est déconseillé de procéder à cette opération, surtout en vol !). Les profils récents équipant les planeurs ont une portance élevée et une trainée faible, ce sont des profils dits laminaires : ils permettent d'obtenir un écoulement régulier de l'air sur une grande partie de la surface du profil. Pour modifier le rapport Cz/Cx, on peut également faire varier la courbure (la forme) du profil en vol, à l'aide de volets, d'aérofreins ou de becs de bord d'attaque. Ces accessoires permettront de faire varier les caractéristiques de la portance et de la trainée en fonction des différentes phases de vol (décollage, croisière, atterrissage,...). Mais les caractéristiques de l'aéronef ne se limitent pas seulement à celles de son profil d'aile. Pour réduire la trainée, on cherche effectivement à minimiser la trainée de profil, mais aussi la trainée induite. Cette dernière est liée à la circulation de l'air aux extrémités extérieures de l'aile. En effet, à ce niveau, l'air s'enroule et produit des tourbillons, appelés "tourbillons marginaux". Pour minimiser ce phénomène, les planeurs disposent de voilures dotées d'un fort allongement, c'est à dire une grande envergure et une faible corde (profondeur de l'aile). Plus récemment, on a également découvert qu'il était possible d'utiliser certains artifices aérodynamiques, les "winglets", afin de diminuer la trainée induite. Enfin, pour poursuivre la chasse à la trainée, il faut s'attacher à réduire la surface et la résistance à l'air de toutes les parties non portantes. Voilà pourquoi, sur les planeurs de performance les plus récents, le fuselage est extrêmement fin, de section ovoïde et dénué de toute aspérité. Mais tout ceci n'est pas sans inconvénients : les grands allongements, cela coûte cher, et le surcroît de poids n'est pas négligeable. A l'extrême, un planeur à hautes performances, comme le Nimbus 4 (26 m d'envergure) est commercialisé à un prix très élevé (comptez le prix d'une Rolls-Royce) et est très lourd, nécessitant l'emploi d'un remorqueur puissant. L'obtention d'un allongement élevé nécessite l'emploi de matériaux coûteux et de procédés de fabrication sophistiqués. De plus, une aile à fort allongement est toujours moins vive qu'une aile dotée d'un allongement plus modéré : son inertie est plus forte, la réponse aux ailerons est plus faible. D'autre part, les caractéristiques de vol d'une telle aile, notamment au décrochage, sont généralement plus "pointues". Il n'est donc pas possible d'allonger indéfiniement l'aile pour minimiser la trainée induite. Cette idée avait, en son temps, traversé l'esprit de Charles Fauvel qui s'était dit : "Si l'on ne peut jouer davantage sur l'allongement, pourquoi ne pas s'attaquer à la réduction de la trainée des autres parties ?". L'idée sous-jacente, c'est donc de disposer d'un aéronef doté d'une voilure assurant à la foi portance et stabilité, réduisant par là même l'existence du fuselage et des empennages. Ceci amène directement à "l'aile volante". Cette appelation (un pléonasme, car par définition, toutes les ailes sont volantes !) renvoie à un concept d'aéronef débarassée de toutes ses trainées parasites, et duquel il ne parait subsister que la partie porteuse : l'aile dont on utilise les caractéristiques au maximum. Les appareils de Charles Fauvel ne sont pas des ailes volantes "pures" : il subsiste un fuselage pour loger le pilote, et des parties stabilisatrices verticales assurent encore le contrôle en lacet. Certaines machines ont davantage fait disparaitre ces éléments, mais cela ne va pas sans inconvénients, comme nous allons le voir plus loin. Pour obtenir une aile
volante, il faut supprimer l'empennage horizontal. Mais
celui-ci, sur un avion classique, est bien utile pour
stabiliser l'appareil ! Résumons-nous : Dans une position d'équilibre idéale, nous considérons que le poids de l'appareil (P), que l'on admet concentré au centre de gravité (CG), est appliqué au centre de poussée (CP), siège de la portance (Rz). En théorie, cet équilibre est stable. Mais dès que l'aile change d'incidence, par le fait d'une perturbation (rafale, remous) ou d'une action du pilote, l'aile va quitter sa position d'équilibre. On met ainsi en
évidence le moment du profil, qui tend à
éloigner l'avion de sa position d'équilibre. Chaque
profil se caractérise par un coefficient de moment
différent, plus ou moins fort et qui indique son degré
d'instabilité. Pour contre-balancer le moment, il va
falloir ajouter une force. Plus exactement, pour
stabiliser un profil, il faut : Quels sont alors les moyens à notre disposition ? A) stabilisation
par un empennage horizontal à l'arrière du centre de
poussée : Dans la majorité des cas de vol, l'aile est affectée d'un couple piqueur, la portance de l'empennage horizontal sera négative. Une surface productrice de portance négative n'est pas franchement intéressante pour qui souhaite économiser la trainée, c'est pourquoi on a cherché à rendre cette portance positive, en la faisant passer de l'autre coté de la balance. D'où la méthode suivante : B) Stabilisation par un empennage horizontal en amont du centre de poussée : Cette formule, nommée "canard", permet de compenser le couple piqueur par une portance positive. Apparemment, cette solution semble idéale, mais le bilan aérodynamique global est encore moins favorable que la configuration classique : l'empennage à l'avant perturbe fortement la circulation de l'air sur la voilure principale, réduisant ainsi son efficacité. En revanche, cette solution présente l'avantage d'être plus sécurisante, car le plan canard situé devant l'aile décroche avant celle-ci, limitant ainsi les effets de la perte de vitesse. C) Stabilisation pendulaire : Cette méthode permet, grâce à une masse placée assez loin sous l'aile, de retrouver une position d'équilibre par un effet pendulaire. Le poids, solidaire de la voilure, a naturellement tendance à ramener l'ensemble à l'équilibre. Cette formule est valable lorsque la masse suspendue est suffisamment importante et la voilure légère, ce qui peut être le cas pour des ailes de vol libre et certains ULM. Elle offre cependant l'inconvénient de déporter une partie des éléments de l'aéronef, donc de majorer la trainée. Il s'agit finalement d'une forme d'aile volante, puisque l'on peut se passer d'empennage, mais fonctionnant selon un principe bien particulier. Mais, direz-vous, et les ailes volantes Fauvel ? Ce qu'il faut d'abord bien comprendre, c'est que les ailes volantes (non pendulaires) réagissent au mêmes lois que les autres avions. Elles doivent également être stabilisées. En ce sens, elles sont tout à fait comparables à la formule classique de stabilisation par empennage, si ce n'est que cette fois-ci, on a intimement lié la partie stabilisatrice à la partie sustentatrice. Ceci a pour effet de noyer dans la voilure ce qui auparavant était déporté à l'arrière et nécessitait de ce fait un long fuselage offrant davantage de trainée, ou qui était déporté à l'avant sous la forme d'un plan canard destructeur de performance. Comment arrive-t-on à ce résultat ? Il faut ici distinguer deux grandes familles d'ailes volantes, qui comme on va le voir ne procèdent pas tout à fait de la même logique : Les ailes volantes à voilure droite (type Fauvel) Dans ce type d'aile volante, la stabilité longitudinale est créée uniquement par le profil de l'aile. Cette formule requiert un profil spécial, qualifié d'autostable (ou "reflex"). Cette solution a été popularisée par les appareils de Charles Fauvel. Le profil autostable
peut en fait être considéré comme l'addition de deux
profils : Le gros travail de l'aérodynamicien réside alors dans la recherche d'un profil générant une bonne portance et une faible trainée, tout en gardant intactes ses qualités d'autostabilité. Charles Fauvel disposait pour cela d'un profil de son invention, inspiré par les travaux de Georges Abrial et de René Arnoux, et qui, malgré les faibles moyens de calcul dont Fauvel disposait à l'époque, s'avérait être un très bon compromis. Dans les années soixante-dix, il utilisa un profil autostable "laminaire" Wortmann FX 66-H 159, plus performant. De nos jours, les techniques informatiques permettent d'étudier des profils autostables dotés de très bonnes performances, tel celui étudié par le célèbre aérodynamicien John Roncz et qui équipe le Genesis 2. Les ailes volantes à voilure en flèche (type Horten) Dans cette formule, on utilise généralement un profil conventionnel doté d'un faible moment piqueur, stabilisé par une autre portion dotée d'un profil déporteur. La flèche permet de faire passer la partie stabilisatrice à l'arrière, et la différence de portance est obtenue soit par vrillage de l'aile, soit par adoption d'un profil aux caractéristiques opposées aux extrémités, ou le plus souvent par combinaison des deux moyens. Ce type d'aile a été mis au point en Allemagne par les frères Horten, et utilisé également par la firme Northrop aux Etats-Unis (pour des bombardiers lourds). L'avantage de cette formule est qu'elle permet plus facilement d'arriver à une aile volante "pure", sans fuselage ni surfaces verticales, par divers artifices aérodynamiques et grâce à l'effet stabilisant de la flèche. Charles Fauvel, quant à lui, préférait la première formule. En effet, la flèche crée une trainée plus élevée du fait du vrillage important, perturbe la circulation de l'air autour du profil, accroît les difficultés de construction, et provoque un comportement en vol plus "atypique", avec notamment de moins bonnes performances au décrochage. L'aile en flèche a été mise au point pour résoudre des problèmes liés au vol transsonique et supersonique, son application à l'aviation légère est plus délicat. En outre, cette configuration place le pilote au centre ou en arrière de la voilure, ce qui n'est pas une situation optimale en matière de visibilité. L'aile volante SB-13, développée récemment en Allemagne, est une illustration flagrante des problèmes générés par une aile en flèche : sa construction s'est révélée extrêmement difficile, et le comportement en vol a été jugé inacceptable par les différents pilotes qui l'ont essayé. Dans le domaine du vol libre, avec des machines plus légères telles que le Swift, cette formule a eu plus de succès (les contraintes structurelles sont moindres), mais il n'en reste pas moins vrai qu'il ne s'agit pas forcément de l'optimum en termes de visibilité, de coût de la construction et de comportement en vol. Au contraire, les ailes volantes sans flèche (ou dotée d'une légère flèche inverse pour permettre un centrage facile) sont stables par nature, et leur construction comme leur pilotage s'apparentent à ceux des machines plus classiques. Les caractéristiques au décrochage sont particulièrement saines : quand l'aile est amenée aux grands angles d'incidence, le flux d'air se sépare de la partie arrière du bord de fuite, rendant ainsi inefficace la gouverne de profondeur logée dans cette partie. L'aile tend alors à piquer, regagne de la vitesse et la profondeur redevient immédiatement efficace. On évite ainsi l'abattée des formules plus traditionnelles ; le décrochage se résume à un léger marsouinage. La gouverne de profondeur n'a plus qu'un rôle de variateur d'incidence, puisque la stabilité est assurée par l'aile. Du fait de l'absence d'empennage horizontal, on peut se contenter d'un fuselage court, doté d'un simple empennage vertical (celui-là, on ne peut tout de même pas le supprimer, car on a besoin d'une bonne stabilité de route). Ce fuselage réduit est un un gros avantage, car il concourt à rendre la vrille impossible : Du fait du faible bras de levier entre l'aile et la direction, et du bon comportement au décrochage, l'aile volante Fauvel refuse l'autorotation, ce qui constitue une caractéristique particulièrement intéressante. Rappelons en effet que chaque année des dizaines d'accidents mortels se produisent dans le monde à cause de vrilles incontrolées (notamment en dernier virage à l'approche). Avec ce type d'ailes volantes, nous sommes donc en présence de machines dotées de caractéristiques de vol particulièrement intéressantes. Leur extrême compacité est un avantage en terme de fabrication, de prix de revient et de facilité de stockage. Il y a pourtant un revers de la médaille, c'est le centrage : en effet, la plage de centrage est plus réduite que sur une machine conventionnelle, car la distance entre la zone instable et la zone stable est faible. Le centrage doit être scrupuleusement respecté, car les caractéristiques de vol peuvent varier dramatiquement sous l'effet d'une mauvaise position du centre de gravité. Les vélivoles sont habitués à se soucier du centrage même sur des planeurs classiques, qui comportent des logements pour des "gueuses" en plomb destinées aux pilotes légers. Le concepteur de l'aile volante doit s'arranger pour que les effets des variations de centrage ne soient pas un handicap, d'où la légère flèche inverse que l'on trouve par exemple sur l'AV-22, ou sur les planeurs Marske, et qui permet de mettre les masses mobiles le plus près possible du centre de gravité. Un autre inconvénient réside dans la difficulté d'hypersustenter la voilure. En clair, l'aile perd ses qualités d'autostabilité si l'on utilise des dispositifs modifiant la courbure du profil (volets de bord de fuite, par exemple) pour maximiser la portance. Le cahier des charges de
Charles Fauvel, qui visait à réaliser des machines
légères, économiques, et néanmoins robustes et
saines, a été parfaitement rempli. Sa philosophie
visant à diminuer le nombre de pièces constitutives de
ses avions ou de ses planeurs plutôt qu'à alléger la
structure est parfaitement en phase avec notre époque,
où de plus en plus de pilotes orientent leur choix vers
des machines plus légères et moins coûteuses.
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